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24 juin 2019: "Diagnostic Alzheimer, une approche sociolinguistique"

24 juin 2019:

Soutenance de la thèse d'Alexandra Caria (LIER-FYT) intitulée "Négociation et prise de décision partagée en consultation gériatrique. Analyse sociolinguistique des pratiques cliniques de diagnostication et d'évaluation de la maladie d'Alzheimer".

 

105 boulevard Raspail. Salle 2 - 24 juin 2019 - 14h30-18h.

Membres du jury: Michel de Fornel (DE à l'EHESS, directeur de la thèse) - Christian Licoppe (professeur à ParisTech Telecom, rapporteur) - Lorenza Mondada (professeure ordinaire à l'université de Bâle, rapporteure) - Victor Rosenthal (chargé de recherche INSERM) - Ingrid Voléry (professeur à l'université de Lorraine).

Résumé: Folie peu à peu médicalisée, la catégorie "maladie d’Alzheimer" présente une nosographie qui a évolué au fil du temps mais dont, a contrario, les pratiques cliniques de diagnostication et d’évaluation ont connu une étonnante continuité. Bien que l’étiologie incertaine ne permette pas d’élucider l’origine de cette pathologie, et malgré aujourd’hui encore l’absence de traitement qui guérisse la maladie d’Alzheimer ou de test qui détermine avec certitude si un patient en souffre, les médecins disposent du moins d’un protocole permettant en primo-consultation de poser un diagnostic possible ou probable pour des personnes se considérant, ou présentées par leur proche (accompagnant), en déclin cognitif et mnésique, lors de suivis d’évaluer des patients pour ce type de déclin généralement lié à la maladie d’Alzheimer et dans les deux cas de pronostiquer cette maladie à partir d’un tableau symptomatologique précis. Suivant la "mentalité analytique" particulière propre à l’Analyse de conversation d’inspiration ethnométhodologique qui défend une dissolution de l’opposition micro/macro, l’étude linguistique et sociologique, compréhensive et critique des consultations gériatriques filmées en 2008—2009 en contexte hospitalier français donne à voir quatre moments de la consultation (ouverture, tests, entretiens, clôture) cruciaux et propres à ce type de rencontre. Observer une variabilité des pratiques professionnelles soulève des questions qui dépassent celles qui se posent à l’analyse linguistique interactionnelle et à la sociologie compréhensive des professions. Une interprétation sociologique plus critique donne en effet un autre éclairage sur la pratique des professionnels et rend compte de l’ordre social qui s’instaure en consultation.

 

Force est de constater alors que, malgré l’intention affichée des médecins de donner toute leur place aux patients en les mettant au centre de la rencontre clinique, en situation la parole de ces derniers n’est pas toujours entendue par les autres acteurs de la consultation, tous en prise avec des rapports sociaux de pouvoir. Ainsi, des asymétries dans la relation médecin, patient et accompagnant révèlent en particulier leurs négociations dans l’organisation des échanges et dans les prises de décision. La domination médicale s’exprime d’abord par l’orientation convergente des participants de la rencontre clinique vers une objectivation médicale du déclin cognitif et mnésique, participant au processus de doctorabilité du cas du patient et à la légitimation de la « maladie d’Alzheimer » comme catégorie médicale opératoire. Cette domination fondée sur la légitimité et l’autorité du médecin repose sur des conditions d’échanges imposées aux participants et nécessairement acceptées par le patient et l’accompagnant ; conditions qui s’opérationnalisent au cours de la consultation par l’accomplissement de procédures interactionnelles mises en œuvre à toutes fins diagnostiques ou évaluatives. Finalement, l’asymétrie d’ordres épistémique et interactionnel est une entrée pour observer une domination médicale aux plans catégoriel, social et sociétal. La nécessité pour les participants de procéder en divers moments à un travail de figuration et la persévérance parfois des médecins à poursuivre leur entreprise de doctorabilité lorsque le patient résiste à rendre son cas doctorable mettent en évidence au-delà que les consultations gériatriques visant la diagnostication et l’évaluation de la maladie d’Alzheimer représentent des lieux traversés d’une violence, symbolique, clinique, thérapeutique.


Mots clés : maladie d’Alzheimer- déclin cognitif et mnésique- analyse de conversation - sociolinguistique compréhensive - sociolinguistique critique - pratiques professionnelles cliniques - objectivation médicale - domination médicale - violence (symbolique, clinique, thérapeutique).

 

En savoir plus sur Alexandra Caria.

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Motion du LIER-FYT concernant le projet de loi sur les retraites et la LPPR

 

Les membres statutaires et les représentantes des doctorant·e·s du Laboratoire interdisciplinaire d’études sur les réflexivités – Fonds Yan Thomas (LIER-FYT, EHESS-CNRS, FRE 2024), réuni·e·s en Assemblée générale le 21 janvier 2020, et ses doctorant·e·s, réuni·e·s (via un vote électronique les 22 et 23 janvier 2020), déclarent leur opposition au projet de loi sur les retraites, aux orientations qui prévalent dans la préparation du projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) et aux décrets d’application de la loi de transformation de la fonction publique.

Ces prétendues réformes qui poussent plus loin encore le démantèlement de l’État social, la dislocation du service public et la mise au pas de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui plongent un peu plus les jeunes dans la précarité, aggravent les inégalités de statut et de condition et vouent un plus grand nombre d’ancien·ne·s à vivre dans le besoin, nous touchent, nous qui pratiquons les sciences sociales, à un point névralgique. Car les institutions de l’État social et du service public et les sciences sociales sont inextricablement liées : elles résultent d’une même transformation historique qui, à travers des crises et des luttes sociales, a conduit dans nos sociétés à toujours davantage d’intégration et de solidarité. La protection sociale et l’existence d’un secteur public ont progressivement exprimé et réalisé cette tendance sur le plan de l’organisation sociale, tandis que les sciences sociales contribuent à en renforcer les effets dans la conscience collective en même temps qu’elles en mesurent les limites et aident à les surmonter. Cette transformation est loin d’être achevée. Elle se heurte, avec notamment la crise écologique, à des défis considérables qui rendent les sciences sociales plus nécessaires que jamais. Inscrire les réformes en cours dans l’histoire longue de nos sociétés les révèle ainsi dans ce qu’elles sont : des régressions. Dans l’immédiat, il est indispensable que nous y opposions notre refus. Mais au-delà de cette mobilisation nécessaire, nous affirmons notre détermination à continuer notre métier, celui des sciences sociales, dans le cadre du service public d’enseignement supérieur et de recherche. Nous refusons de voir notre fonction sociale réduite aux exigences d’une ingénierie gestionnaire destinée à asservir la vie sociale aux logiques de marché plutôt que d’y favoriser l’épanouissement du bien commun.

Pour ces raisons,

1) Nous appelons chacun·e à soutenir les mobilisations contre la réforme des retraites et contre la transformation de la fonction publique et de l’enseignement supérieur et de la recherche, à participer aux assemblées générales et aux journées d’action interprofessionnelle et à faire preuve de solidarité, notamment en contribuant aux caisses de grève, avec les secteurs professionnels qui portent actuellement l’essentiel de l’effort de mobilisation.

2) Nous demandons aux institutions d’enseignement supérieur dans lesquelles nous exerçons de mettre en place des règles claires qui permettent aux étudiant·e·s de s’engager, sans être pénalisé·e·s, dans le mouvement qui a pour enjeu leur avenir. (Ces règles doivent, à notre sens, prendre la forme d’un réaménagement des modalités et des temps d’enseignement et d’apprentissage plutôt que de procédures de validation automatique des compétences et savoirs acquis.

3) Nous réclamons que le gouvernement sursoie au projet de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche et organise une concertation digne de ce nom, afin de définir collectivement les conditions d’une véritable refondation de l’enseignement supérieur et de la recherche et d’en déterminer le calendrier et les moyens, dans le respect des qualifications et des vocations de ceux qui y consacrent toute leur énergie et en tenant compte de la diversité des besoins sociaux en matière d’enseignement supérieur et de recherche. Nous mandatons la direction de notre unité à signer l’« Appel à signature des Directions de laboratoire de recherche pour un moratoire sur la LPPR et pour la tenue d’États généraux de la Recherche et de l’Enseignement supérieur » (voir ici).

Motion adoptée par l’Assemblée générale du LIER-FYT le 21 janvier 2020 par 20 votes favorables et 2 abstentions, et par l’Assemblée générale des doctorant·e·s du LIER-FYT (via un vote électronique) le 22 et 23 janvier 2020 par 32 votes favorables (aucune abstention, ni vote défavorable).


 

LIER-FYT
Laboratoire interdisciplinaire
d'études sur les réflexivités - Fonds Yan Thomas
Directeur: Cyril Lemieux
Directrice adjointe : Julia Christ
A629 - 54 Boulevard Raspail 75006 Paris

Tel : 33 (0) 1 49 54 20 61
Prtncipaux contacts : voir ici

 

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