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21 juin 2019: "Expression et expressivisme"

21 juin 2019:

21 juin 2019 - 9h30-17h30 - 105 boulevard Raspail - Salle 8

Journée d'étude "Expression et expressivisme. De la philosophie de l'esprit et du langage vers les sciences sociales?"

 

Organisée par Pierre-Henri Castel (LIER-FYT).

Au sein de la philosophie pragmatique contemporaine, tout particulièrement chez Robert Brandom, les notions d'expression et d'expressivisme jouent un rôle fondamental. En première analyse, ce style de pensée tient pour étroitement liées trois choses : le privilège explicatif du know how sur le know that ; l'idée de Wittgenstein selon lequel le sens d'un concept, c'est son usage ; et un principe général d'expression qui les synthétise selon lequel la démarche de l'enquête consiste à rendre réflexivement explicite (dans des concepts) ce qui est implicite (dans des pratiques). Autour de ce motif, des notions comme celle d'« acte de langage » déclaratif (de « proposition »), d'inférence (avec les formalisations logiques attenantes), de raisonnement pratique, et surtout de dimension intersubjective et sociale du « jeu de langage » privilégié qui consiste à « demander et donner des raisons » ont fait l'objet de développements entièrement inédits.

Or on se trouve devant un paradoxe. D'un certain point de vue, tout ce que fait déjà la sociologie d'inspiration pragmatique dans ses enquêtes empiriques met au moins implicitement en œuvre un motif expressiviste – avec une grande richesse de résultats, et sans guère susciter d'alarme épistémologique. Par contraste, l'expressivisme pragmatique suscite de violentes polémiques au sein de la philosophie « analytique » dominante en contredisant diverses tendances à se rapprocher de la psychologie cognitive et plus généralement de l'épistémologie « naturalisée », ainsi que d'approches en théorie de l'action marquée par l'individualisme méthodologique. Il y a donc là une controverse pour ainsi dire ultime sur la nature même de la rationalité.
 
On pourrait cependant faire l'hypothèse que la philosophie de l'esprit, du langage et de l'action qu'on trouve notamment chez Brandom pourrait n'être rien d'autre qu'une explicitation conceptuelle du style de l'enquête pragmatiste. Mais ce n'est pas le cas. En réalité, sa philosophie ne fait aucun pas en direction du pragmatisme en sciences sociales. Au mieux, certains liens se tissent avec une vision normative de la société, de l'« agir communicationnel » et de l'histoire qu'on trouve chez Habermas.
 
Cette journée se propose donc d'examiner, entre philosophes, linguistes et  sociologues si et en quoi ce style philosophique renouvelé par Brandom qu'est l'expressivisme peut éclairer, voire enrichir certaines dimensions de l'enquête en sciences sociales – ou pas. Plusieurs aspects seront abordés, en particulier ce qu'est une « raison d'agir »,  l'explicitation d'une règle implicite en pratique, en quoi consiste le holisme méthodologique, l'idée d'histoire et même de sociologie historique de la connaissance qui sous-tend toute la démarche ; mais aussi, à rebours des situations normatives idéalisées en philosophie, ce qui empêche, ou facilite, dans la vie sociale empirique, l'expression réflexive et donc critique du contenu implicite des pratiques.

Avec le soutien du LIER-FYT.

 

Programme provisoire

 

Francesco Callegaro (UNSAM & LIER-FYT): "L'expression du social. Brandom, Wittgenstein, Durkheim".

Pierre-Henri Castel (LIER-FYT): "Brandom, son expressivisme et l'ouverture vers une "science sociale" pragmatiste".

Florence Hulak (université Paris 8 & LIER-FYT) : "L'expressivisme de Charles Taylor: une passerelle entre philosophie de l'esprit et sciences sociales?"

Michel de Fornel (LIER-FYT): "Normes sociales, assertion et communication"

Vincent Réveillère (université d'Aix-Marseille): "Penser l'institution des concepts juridiques avec Robert Brandom".

Stefania Ferrando (LIER-FYT): "Du pouvoir à l'autorité symbolique: rendre explicite l'implicite est une pratique politique".

Cyril Lemieux (LIER-FYT): "Tendances à agir et expressivité sociale".

 

Résumé et textes discutés : voir ici.

Rubriques à consulter

EHESS
CNRS

 

Motion du LIER-FYT concernant le projet de loi sur les retraites et la LPPR

 

Les membres statutaires et les représentantes des doctorant·e·s du Laboratoire interdisciplinaire d’études sur les réflexivités – Fonds Yan Thomas (LIER-FYT, EHESS-CNRS, FRE 2024), réuni·e·s en Assemblée générale le 21 janvier 2020, et ses doctorant·e·s, réuni·e·s (via un vote électronique les 22 et 23 janvier 2020), déclarent leur opposition au projet de loi sur les retraites, aux orientations qui prévalent dans la préparation du projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) et aux décrets d’application de la loi de transformation de la fonction publique.

Ces prétendues réformes qui poussent plus loin encore le démantèlement de l’État social, la dislocation du service public et la mise au pas de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui plongent un peu plus les jeunes dans la précarité, aggravent les inégalités de statut et de condition et vouent un plus grand nombre d’ancien·ne·s à vivre dans le besoin, nous touchent, nous qui pratiquons les sciences sociales, à un point névralgique. Car les institutions de l’État social et du service public et les sciences sociales sont inextricablement liées : elles résultent d’une même transformation historique qui, à travers des crises et des luttes sociales, a conduit dans nos sociétés à toujours davantage d’intégration et de solidarité. La protection sociale et l’existence d’un secteur public ont progressivement exprimé et réalisé cette tendance sur le plan de l’organisation sociale, tandis que les sciences sociales contribuent à en renforcer les effets dans la conscience collective en même temps qu’elles en mesurent les limites et aident à les surmonter. Cette transformation est loin d’être achevée. Elle se heurte, avec notamment la crise écologique, à des défis considérables qui rendent les sciences sociales plus nécessaires que jamais. Inscrire les réformes en cours dans l’histoire longue de nos sociétés les révèle ainsi dans ce qu’elles sont : des régressions. Dans l’immédiat, il est indispensable que nous y opposions notre refus. Mais au-delà de cette mobilisation nécessaire, nous affirmons notre détermination à continuer notre métier, celui des sciences sociales, dans le cadre du service public d’enseignement supérieur et de recherche. Nous refusons de voir notre fonction sociale réduite aux exigences d’une ingénierie gestionnaire destinée à asservir la vie sociale aux logiques de marché plutôt que d’y favoriser l’épanouissement du bien commun.

Pour ces raisons,

1) Nous appelons chacun·e à soutenir les mobilisations contre la réforme des retraites et contre la transformation de la fonction publique et de l’enseignement supérieur et de la recherche, à participer aux assemblées générales et aux journées d’action interprofessionnelle et à faire preuve de solidarité, notamment en contribuant aux caisses de grève, avec les secteurs professionnels qui portent actuellement l’essentiel de l’effort de mobilisation.

2) Nous demandons aux institutions d’enseignement supérieur dans lesquelles nous exerçons de mettre en place des règles claires qui permettent aux étudiant·e·s de s’engager, sans être pénalisé·e·s, dans le mouvement qui a pour enjeu leur avenir. (Ces règles doivent, à notre sens, prendre la forme d’un réaménagement des modalités et des temps d’enseignement et d’apprentissage plutôt que de procédures de validation automatique des compétences et savoirs acquis.

3) Nous réclamons que le gouvernement sursoie au projet de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche et organise une concertation digne de ce nom, afin de définir collectivement les conditions d’une véritable refondation de l’enseignement supérieur et de la recherche et d’en déterminer le calendrier et les moyens, dans le respect des qualifications et des vocations de ceux qui y consacrent toute leur énergie et en tenant compte de la diversité des besoins sociaux en matière d’enseignement supérieur et de recherche. Nous mandatons la direction de notre unité à signer l’« Appel à signature des Directions de laboratoire de recherche pour un moratoire sur la LPPR et pour la tenue d’États généraux de la Recherche et de l’Enseignement supérieur » (voir ici).

Motion adoptée par l’Assemblée générale du LIER-FYT le 21 janvier 2020 par 20 votes favorables et 2 abstentions, et par l’Assemblée générale des doctorant·e·s du LIER-FYT (via un vote électronique) le 22 et 23 janvier 2020 par 32 votes favorables (aucune abstention, ni vote défavorable).


 

LIER-FYT
Laboratoire interdisciplinaire
d'études sur les réflexivités - Fonds Yan Thomas
Directeur: Cyril Lemieux
Directrice adjointe : Julia Christ
A629 - 54 Boulevard Raspail 75006 Paris

Tel : 33 (0) 1 49 54 20 61
Prtncipaux contacts : voir ici

 

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