Le LIER - FYT |

Presentation

Le Laboratoire Interdisciplinaire d’Etudes sur les Réflexivités - Fonds Yan Thomas (LIER-FYT) est une Formation de Recherche en Evolution (FRE 2024) placée sous la double tutelle du Centre National de la Recherche Scientifique et de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales. Créé le 1er janvier 2019 et implanté dans les locaux de l’EHESS, il a pour ambition de devenir une Unité mixte de recherche à l’horizon du 1 janvier 2021. Son directeur, le sociologue Cyril Lemieux, et sa directrice-adjointe, la philosophe Julia Christ, expliquent ici l’ambition scientifique qui réunit les chercheurs et les chercheuses, d’horizons divers, qui ont décidé de rejoindre cette unité.

On comprend, d’après son nom, que le LIER-FYT se consacrera à l’étude des réflexivités. Que faut-il entendre par là ?

CL : La réflexivité est un terme aujourd’hui en vogue dans les sciences sociales mais lorsqu’il est mobilisé, c’est le plus souvent pour évoquer la réflexivité du chercheur ou de la chercheuse. Notre perspective est différente : nous étudions ce qu’on peut appeler la production sociale de réflexivité, c’est-à-dire la manière dont les sociétés, les groupes et les institutions mettent en cause et en discussion leurs propres pratiques et leurs propres discours. Fait partie intégrante de ce programme l’examen de ce qui limite ou entrave leur capacité à produire une telle réflexivité.

JC : Cette perspective de recherche nous conduit à adopter une approche de la réflexivité qui est à la fois non-mentaliste et non-individualiste. La réflexivité n’est pas une faculté de l’individu seul ou de son cerveau : en ce qu’elle signifie et implique une critique de leurs pratiques menée par les acteurs eux-mêmes, son émergence est liée à l’organisation sociale et elle dépend de l’action collective. C’est pourquoi nous cherchons à étudier ce qui, dans l’ordre social et institutionnel, favorise ou empêche la production de réflexivité et que nous nous intéressons, sous ce rapport déterminé, aux transformations historiques des sociétés ainsi qu’à une éventuelle spécificité des sociétés modernes, dont on peut faire l’hypothèse qu’elles ont érigé la réflexivité en une sorte d’idéal – ce qui ne signifie pas, tant s’en faut, que l’idéal soit réalisé.

Le LIER-FYT se veut un laboratoire « interdisciplinaire ». En quel sens ?

JC : Interdisciplinarité signifie pour nous de réunir des disciplines qui, dans un contexte intellectuel et politique donné, s’attirent mutuellement. Par « attirance », il faut entendre que les disciplines se rencontrent en visant certains problèmes ou certains lieux problématiques communs, qu’elles envisagent et traitent différemment. Pour nous, le topos central de cette rencontre est la réflexivité spécifique qui sous-tend la condition des sociétés modernes. Les disciplines actuellement présentes dans notre laboratoire – la sociologie, la philosophie, le droit et dans une moindre mesure, la linguistique – étudient avec leurs méthodes et leurs moyens propres ce phénomène. D’autres disciplines encore, comme l’histoire et l’anthropologie, ont vocation à contribuer à notre réflexion. Laquelle, faut-il le préciser, ne se limitera pas au cadre européen.

CL : Notre approche obéit à ce qu’on peut appeler un programme interdisciplinaire « au sens fort ». Nous partons du principe que chaque discipline possède sa technicité et ses exigences méthodologiques et que c’est en s’y tenant, et depuis son lieu propre, qu’elle est en mesure d’affecter les autres et d’être affectée par elles. Cette conception s’oppose à l’idée de « transdisciplinarité », consistant à imbriquer les disciplines les unes aux autres jusqu’à ne plus distinguer entre elles. Mais elle s’oppose tout autant à l’isolationnisme consistant pour une discipline à rester hermétique au dialogue avec les autres et à ne pas chercher à contribuer, avec elles, à l’élaboration d’un projet scientifique commun – en l’occurrence, celui qui nous réunit au sein du LIER-FYT mais on pourrait dire la même chose à un autre niveau d’un certain projet des sciences sociales qu’incarne l’EHESS elle-même.

Apparaît dans le nom de l’unité un « Fonds Yan Thomas ». A quoi cela fait-il référence ?

JC : Les spécialistes d’histoire et de philosophie du droit qui rejoignent le LIER-FYT amènent avec eux un fonds documentaire exceptionnel : celui qu’avait constitué au fil de son existence le regretté Yan Thomas. Il s’agit de 1500 volumes principalement de droit romain, d'histoire du droit et d'histoire de l'antiquité, auxquels s’ajoutent environ 4500 thèses de droit, de science politique et d’économie, publiées en France entre 1924 et 1967. Une vraie mine d’or pour tous les chercheurs et chercheuses qui s’intéressent au droit et à ses évolutions !

CL : Un de nos objectifs, dans les années qui viennent, sera de rendre ce fonds accessible au public intéressé et de le valoriser, en particulier en le numérisant afin de permettre aussi sa consultation à distance. En mentionnant le nom de Yan Thomas dans l’intitulé de notre centre, il nous tenait à cœur de signaler que le droit est dans la vie sociale un opérateur de réflexivité parmi les plus importants et que son étude, par conséquent, constitue l’un des piliers essentiels du programme scientifique de notre unité.

 

En savoir plus sur le projet scientifique de l'unité

EHESS
CNRS

 

Motion du LIER-FYT concernant le projet de loi sur les retraites et la LPPR

 

Les membres statutaires et les représentantes des doctorant·e·s du Laboratoire interdisciplinaire d’études sur les réflexivités – Fonds Yan Thomas (LIER-FYT, EHESS-CNRS, FRE 2024), réuni·e·s en Assemblée générale le 21 janvier 2020, et ses doctorant·e·s, réuni·e·s (via un vote électronique les 22 et 23 janvier 2020), déclarent leur opposition au projet de loi sur les retraites, aux orientations qui prévalent dans la préparation du projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) et aux décrets d’application de la loi de transformation de la fonction publique.

Ces prétendues réformes qui poussent plus loin encore le démantèlement de l’État social, la dislocation du service public et la mise au pas de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui plongent un peu plus les jeunes dans la précarité, aggravent les inégalités de statut et de condition et vouent un plus grand nombre d’ancien·ne·s à vivre dans le besoin, nous touchent, nous qui pratiquons les sciences sociales, à un point névralgique. Car les institutions de l’État social et du service public et les sciences sociales sont inextricablement liées : elles résultent d’une même transformation historique qui, à travers des crises et des luttes sociales, a conduit dans nos sociétés à toujours davantage d’intégration et de solidarité. La protection sociale et l’existence d’un secteur public ont progressivement exprimé et réalisé cette tendance sur le plan de l’organisation sociale, tandis que les sciences sociales contribuent à en renforcer les effets dans la conscience collective en même temps qu’elles en mesurent les limites et aident à les surmonter. Cette transformation est loin d’être achevée. Elle se heurte, avec notamment la crise écologique, à des défis considérables qui rendent les sciences sociales plus nécessaires que jamais. Inscrire les réformes en cours dans l’histoire longue de nos sociétés les révèle ainsi dans ce qu’elles sont : des régressions. Dans l’immédiat, il est indispensable que nous y opposions notre refus. Mais au-delà de cette mobilisation nécessaire, nous affirmons notre détermination à continuer notre métier, celui des sciences sociales, dans le cadre du service public d’enseignement supérieur et de recherche. Nous refusons de voir notre fonction sociale réduite aux exigences d’une ingénierie gestionnaire destinée à asservir la vie sociale aux logiques de marché plutôt que d’y favoriser l’épanouissement du bien commun.

Pour ces raisons,

1) Nous appelons chacun·e à soutenir les mobilisations contre la réforme des retraites et contre la transformation de la fonction publique et de l’enseignement supérieur et de la recherche, à participer aux assemblées générales et aux journées d’action interprofessionnelle et à faire preuve de solidarité, notamment en contribuant aux caisses de grève, avec les secteurs professionnels qui portent actuellement l’essentiel de l’effort de mobilisation.

2) Nous demandons aux institutions d’enseignement supérieur dans lesquelles nous exerçons de mettre en place des règles claires qui permettent aux étudiant·e·s de s’engager, sans être pénalisé·e·s, dans le mouvement qui a pour enjeu leur avenir. (Ces règles doivent, à notre sens, prendre la forme d’un réaménagement des modalités et des temps d’enseignement et d’apprentissage plutôt que de procédures de validation automatique des compétences et savoirs acquis.

3) Nous réclamons que le gouvernement sursoie au projet de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche et organise une concertation digne de ce nom, afin de définir collectivement les conditions d’une véritable refondation de l’enseignement supérieur et de la recherche et d’en déterminer le calendrier et les moyens, dans le respect des qualifications et des vocations de ceux qui y consacrent toute leur énergie et en tenant compte de la diversité des besoins sociaux en matière d’enseignement supérieur et de recherche. Nous mandatons la direction de notre unité à signer l’« Appel à signature des Directions de laboratoire de recherche pour un moratoire sur la LPPR et pour la tenue d’États généraux de la Recherche et de l’Enseignement supérieur » (voir ici).

Motion adoptée par l’Assemblée générale du LIER-FYT le 21 janvier 2020 par 20 votes favorables et 2 abstentions, et par l’Assemblée générale des doctorant·e·s du LIER-FYT (via un vote électronique) le 22 et 23 janvier 2020 par 32 votes favorables (aucune abstention, ni vote défavorable).


 

LIER-FYT
Laboratoire interdisciplinaire
d'études sur les réflexivités - Fonds Yan Thomas
Directeur: Cyril Lemieux
Directrice adjointe : Julia Christ
A629 - 54 Boulevard Raspail 75006 Paris

Tel : 33 (0) 1 49 54 20 61
Prtncipaux contacts : voir ici

 

Si vous souhaitez recevoir les informations relatives aux activités du LIER-FYT et de ses membres, nous vous invitons à vous inscrire sur notre liste de diffusion en envoyant un message à l'adresse:
lier-fyt_info-request[at]ehess.fr