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27 février 2020: discussion avec S. Falconieri

27 février 2020: discussion avec S. Falconieri

Intervention de Silvia Falconieri (IMAF) sur le thème : "Les catégories du droit colonial à l'épreuve de la maladie mentale (Afrique française, XIXe-XXe siècles)".

 

Jeudi 27 février 2020 - 18h-20h.

10 rue Monsieur-le-Prince. 4e étage. Salle commune du LIER-FYT.

Discutant: Gildas Salmon (LIER-FYT).

Lors de cette séance, Silvia Falconieri présentera son projet ANR AMIAF (pour "'Aliéné mental' et "indigène": histoire d'une double discr!mination de statut en Afrique française (fin 19e siècle - 1960)").

Le projet AMIAF se propose de réaliser une enquête historico-juridique ayant pour objet les discours et les pratiques juridico-administratifs qui président à la construction et au fonctionnement du statut de l’aliéné indigène dans les territoires africains colonisés par la France aux XIXe et XXe siècles. Focalisée sur les enjeux et sur les effets de la superposition des catégories d’ « indigène » et d’« aliéné », cette recherche vise à atteindre deux objectifs principaux :

  1. Détecter les signes spécifiques de l’aliénation retenus par les juristes et par les administrateurs dans leurs pratiques en Afrique avec les « indigènes ».
  2. Interroger les enjeux de l’usages des savoirs extra-juridiques sur le psychisme mobilisés par les juges et par les administrateurs coloniaux.

1. Comment le droit et l’administration distinguent-ils la mentalité (ou l’âme ou l’esprit, suivant les formulations) indigène ‘‘normale’’ ou ‘‘ordinaire’’ de la mentalité ‘‘pathologique’’ ? Les éléments permettant d’apprécier l’aliénation mentale diffèrent-ils par rapport à ceux dont l’administration et la justice se servent pour appréhender et traiter la folie des Européens résidant en métropole ou en Afrique française ? Comment envisagent-ils une restriction supplémentaire des droits des sujets coloniaux, en prévoyant un traitement différent des aliénés mentaux indigènes ? Comment la conception juridico-administrative de la folie évolue-t-elle tout au long de la période coloniale ?

La détermination et l’analyse des contextes dans lesquels la justice et l’administration françaises d’outre-mer se saisissent de l’altération des facultés psychiques des populations locales, accompagnées d’une étude des procédures judiciaires et administratives  permettront  de détecter les éléments dont les juges et les administrateurs se servent pour classer les Africains comme « aliénés ». La recherche est axée sur l’hypothèse de fond que, en situation coloniale, les éléments dont les juristes et les administrateurs s’emparent pour classer les indigènes comme aliénés émanent davantage de l’observation du corps, des gestes, des mimiques et des réponses comportementales.

2. Lorsqu’il s’agit de cerner le pathologique de l’« esprit indigène », les spécialistes du droit et les administrateurs s’appuient sur des connaissances relevant d’autres branches des sciences et des savoirs. Quels sont le rôle et la fonction des experts de ces autres disciplines ? Quels sont les enjeux de l’échange que les juristes et les administrateurs bâtissent avec eux autour de la folie ? Le projet AMIAF s’arrête sur les usages politiques des sciences et des savoirs, en interrogeant la sélection des connaissances opérée dans le cadre du traitement juridico-administratif de la folie. En prêtant attention aux changements intervenus aux différents moments de la présence française en Afrique, cette recherche vise à faire ressortir les enjeux (politiques, économiques, disciplinaires) cachés derrière le choix des acteurs institutionnels de mobiliser certaines connaissances et d’en écarter d’autres. Dans cette perspective, une importance centrale est accordée au processus d’émergence de savoirs spécialisés (la médecine, la psychiatrie et la psychologie coloniales) qui s’imposent sur le plan institutionnel surtout tout au long de la première moitié du XXe siècle. L’attention se focalise également sur la place accordée aux savoirs autochtones traditionnels, ainsi qu’aux usages, plutôt tardifs, du savoir psychanalytique.

Soulevant des questionnements qui demeurent d’une actualité brulante, la recherche AMIAF impacte les domaines social et politique. Une analyse historique de longue durée est indispensable pour cerner les processus actuels d’assignations identitaires, pour interroger sous un nouveau regard la crise humanitaire des réfugiés et les difficultés des politiques de lutte contre les discriminations, pour détecter les mécanismes qui poussent les gouvernements à privilégier certains savoirs sur le psychisme, au détriment d’autres, dans les politiques actuelles en matière de santé mentale.

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Motion du LIER-FYT concernant le projet de loi sur les retraites et la LPPR

 

Les membres statutaires et les représentantes des doctorant·e·s du Laboratoire interdisciplinaire d’études sur les réflexivités – Fonds Yan Thomas (LIER-FYT, EHESS-CNRS, FRE 2024), réuni·e·s en Assemblée générale le 21 janvier 2020, et ses doctorant·e·s, réuni·e·s (via un vote électronique les 22 et 23 janvier 2020), déclarent leur opposition au projet de loi sur les retraites, aux orientations qui prévalent dans la préparation du projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) et aux décrets d’application de la loi de transformation de la fonction publique.

Ces prétendues réformes qui poussent plus loin encore le démantèlement de l’État social, la dislocation du service public et la mise au pas de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui plongent un peu plus les jeunes dans la précarité, aggravent les inégalités de statut et de condition et vouent un plus grand nombre d’ancien·ne·s à vivre dans le besoin, nous touchent, nous qui pratiquons les sciences sociales, à un point névralgique. Car les institutions de l’État social et du service public et les sciences sociales sont inextricablement liées : elles résultent d’une même transformation historique qui, à travers des crises et des luttes sociales, a conduit dans nos sociétés à toujours davantage d’intégration et de solidarité. La protection sociale et l’existence d’un secteur public ont progressivement exprimé et réalisé cette tendance sur le plan de l’organisation sociale, tandis que les sciences sociales contribuent à en renforcer les effets dans la conscience collective en même temps qu’elles en mesurent les limites et aident à les surmonter. Cette transformation est loin d’être achevée. Elle se heurte, avec notamment la crise écologique, à des défis considérables qui rendent les sciences sociales plus nécessaires que jamais. Inscrire les réformes en cours dans l’histoire longue de nos sociétés les révèle ainsi dans ce qu’elles sont : des régressions. Dans l’immédiat, il est indispensable que nous y opposions notre refus. Mais au-delà de cette mobilisation nécessaire, nous affirmons notre détermination à continuer notre métier, celui des sciences sociales, dans le cadre du service public d’enseignement supérieur et de recherche. Nous refusons de voir notre fonction sociale réduite aux exigences d’une ingénierie gestionnaire destinée à asservir la vie sociale aux logiques de marché plutôt que d’y favoriser l’épanouissement du bien commun.

Pour ces raisons,

1) Nous appelons chacun·e à soutenir les mobilisations contre la réforme des retraites et contre la transformation de la fonction publique et de l’enseignement supérieur et de la recherche, à participer aux assemblées générales et aux journées d’action interprofessionnelle et à faire preuve de solidarité, notamment en contribuant aux caisses de grève, avec les secteurs professionnels qui portent actuellement l’essentiel de l’effort de mobilisation.

2) Nous demandons aux institutions d’enseignement supérieur dans lesquelles nous exerçons de mettre en place des règles claires qui permettent aux étudiant·e·s de s’engager, sans être pénalisé·e·s, dans le mouvement qui a pour enjeu leur avenir. (Ces règles doivent, à notre sens, prendre la forme d’un réaménagement des modalités et des temps d’enseignement et d’apprentissage plutôt que de procédures de validation automatique des compétences et savoirs acquis.

3) Nous réclamons que le gouvernement sursoie au projet de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche et organise une concertation digne de ce nom, afin de définir collectivement les conditions d’une véritable refondation de l’enseignement supérieur et de la recherche et d’en déterminer le calendrier et les moyens, dans le respect des qualifications et des vocations de ceux qui y consacrent toute leur énergie et en tenant compte de la diversité des besoins sociaux en matière d’enseignement supérieur et de recherche. Nous mandatons la direction de notre unité à signer l’« Appel à signature des Directions de laboratoire de recherche pour un moratoire sur la LPPR et pour la tenue d’États généraux de la Recherche et de l’Enseignement supérieur » (voir ici).

Motion adoptée par l’Assemblée générale du LIER-FYT le 21 janvier 2020 par 20 votes favorables et 2 abstentions, et par l’Assemblée générale des doctorant·e·s du LIER-FYT (via un vote électronique) le 22 et 23 janvier 2020 par 32 votes favorables (aucune abstention, ni vote défavorable).


 

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