Membres | Docteurs

Aleksandr Lutsenko

Aleksandr Lutsenko
Docteur
Discipline : Sociologie
Institution(s) de rattachement : Collège universitaire français de Moscou
Centre(s) de rattachement : Pôle sociologie
Laboratoire(s) de rattachement : LIER-FYT

Coordonnées professionnelles

a.loutsenko[at]yahoo.fr

Ma thèse de sociologie, soutenue le 20 décembre 2018 à l'EHESS, devant un jury composé de Françoise Daucé (EHESS), Florence Delmotte (université Saint-Louis à Bruxelles), Gilles Favarel-Garrigues (Sciences Po), Jean-Philippe Heurtin ('université de Strasbourg), Cyril Lemieux (EHESS, directeur de la thèse) et Louis Quéré (CNRS-EHESS) s'intitule "(In)soumissions en direct. Enquête sur la production d’une autorité "absolue" du chef de l’Etat dans la Russie contemporaine (1990-2018)".

Présentation de la thèse

Comment se constitue un pouvoir politique réputé "absolu" là où dans la séquence historique immédiatement antérieure le chef de l’Etat ne jouissait pas d’une position prééminente, et où au contraire s’observaient entre lui et les autres membres des élites de faibles écarts statutaires ? Norbert Elias avait placé cette énigme au cœur de ses réflexions dans La société de cour. L’ambition de cette thèse est de la reprendre à partir d’un tout autre contexte socio-historique et sur une temporalité plus courte : en s’inspirant de la démarche éliasienne mais aussi de la sociologie pragmatique et de certains apports de l’ethnométhodologie, il s’agit de comprendre, d’une manière sociologique, comment, en l’espace d’à peine deux décennies, un rapport de domination politique particulièrement marqué a pu s’instaurer en Russie entre le chef de l’Etat et les magnats de l’économie. Pour répondre à cette question, la thèse se centre sur une forme particulière de cérémonial où la déférence à l’égard du chef de l’Etat peut être observée publiquement - les interviews télévisées avec des membres des élites économiques - et développe trois arguments. Fondé sur l’analyse d’un corpus d’émissions diffusées sur la chaîne de télévision publique Rossiya 24 et sur celle, « indépendante », Dozhd, aussi bien que sur les entretiens « exégétiques » avec les intervieweurs de deux chaînes, l’enquête démontre que la domination du chef de l’Etat repose pour une part essentielle sur la croyance collective, partagée au sein des élites, en un ensemble de règles – le pacte – qui prescrivent de quelle façon il convient de traiter la personne du Président dans l’espace public. La thèse montre ensuite la place centrale qu’occupent les médias dans la reproduction de l’ordre politique aujourd’hui en Russie. Ceux-ci se présentent comme le théâtre où se constitue la croyance des élites dans le pouvoir « absolu » du président. Afin de le montrer la thèse étudie, à l’aide d’entretiens réalisés avec les journalistes et les responsables des deux chaînes de télévision concernées, le dispositif matériel et organisationnel de ces chaînes. Finalement, à travers l’analyse d’un corpus de données de presse et de documents audiovisuels, la thèse montre que l’effort de soumission au chef de l’Etat, que les membres des élites économiques russes manifestent de plus en plus nettement dans certaines situations publiques à partir des années 2010 s’explique par la transformation de la sensibilité et de l’habitus psychique propre au groupe social des oligarques – transformation elle-même liée à l’évolution de la « balance des pouvoirs » au sein des élites au cours de la décennie 2000. Selon cette perspective, le spectacle médiatique de la soumission des magnats résulte d’abord d’une tentative d’insoumission de leur part qui, si elle n’aboutit pas, les conduit au moins à affirmer, par une certaine attitude résistante du corps, l’enjeu d’être authentique. Dans cet état corporel d’insoumission il en va moins d’une révolte contre le détenteur de l’autorité politique que d’une révolte contre les autocontraintes qu’imposent à tout membre des élites les interdépendances dans lesquelles il est pris.

Enseignements

J’enseigne "Les méthodes en sociologie" au Collège Universitaire Français de Moscou (2018-2019). Je suis également membre, depuis 2018, de l’équipe d’organisation du séminaire de sociohistoire "Espace public : mobilisations, engagements, appartenances" au Centre des études franco-russes de Moscou.


Publication

Aleksandr Lutsenko, « “Why Go on a Program and Answer in General Terms?” TV Interviews as a Mechanism for the Reproduction of the Political Order », Laboratorium, 2017, vol. 9, no 2, p. 82-111.


Communications

Aleksandr Lutsenko, « Otslezhivanie naruchenii kak metod dostizhenia prakticheskih tselei: pravila rechevogo vzaimodejstvia i zhurnalistskaia rabota v televizionnom interv'u ». Conference Development Vectors of Modern Russia 2018, Polomka I remont vo vzaimodejstvii s tehnologiami: etnometodologicheskaia perspektiva, The Moscow School of Social and Economic Sciences, 21 avril 2018,

Aleksandr Lutsenko, « Trudnosti perevoda : Kak informatsionnie agentstva proizvod’at novosti iz interv’u s ofitsialnimi istochnikami », workshop, Pratiques journalistiques en Russie dans un contexte de transformations politiques et technologiques, Centre des études franco-russes, Moscou, 18 septembre 2017.

Aleksandr Lutsenko, « Interviewing Styles on State-Controlled and Non-State-Controlled Channels in Russia: Disparity or Interdependence? » 5th annual conference Comparative Media Studies in Today’s World, Media Transformations in Times of Technological Boom and Political Polarization, Saint Petersburg State University, 12 avril 2017.

Aleksandr Lutsenko, « L'élite économique russe (les "oligarques") à l'épreuve de l'interview télévisée », séminaire de Françoise Daucé, Médias et pouvoir, de l'URSS à la Russie, EHESS, 11 décembre 2015

Aleksandr Lutsenko, « Les oligarques en direct : mobiliser l’analyse de conversation comme dispositif de description pour l’étude d’interviews télédiffusées », Rencontres Annuelles d'Ethnographie 2015, Ethnométhodologie, analyse conversationnelle et ethnographie : des affinités sélectives ?, EHESS, 15 octobre 2015.


EHESS
CNRS

 

Motion du LIER-FYT concernant le projet de loi sur les retraites et la LPPR

 

Les membres statutaires et les représentantes des doctorant·e·s du Laboratoire interdisciplinaire d’études sur les réflexivités – Fonds Yan Thomas (LIER-FYT, EHESS-CNRS, FRE 2024), réuni·e·s en Assemblée générale le 21 janvier 2020, et ses doctorant·e·s, réuni·e·s (via un vote électronique les 22 et 23 janvier 2020), déclarent leur opposition au projet de loi sur les retraites, aux orientations qui prévalent dans la préparation du projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) et aux décrets d’application de la loi de transformation de la fonction publique.

Ces prétendues réformes qui poussent plus loin encore le démantèlement de l’État social, la dislocation du service public et la mise au pas de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui plongent un peu plus les jeunes dans la précarité, aggravent les inégalités de statut et de condition et vouent un plus grand nombre d’ancien·ne·s à vivre dans le besoin, nous touchent, nous qui pratiquons les sciences sociales, à un point névralgique. Car les institutions de l’État social et du service public et les sciences sociales sont inextricablement liées : elles résultent d’une même transformation historique qui, à travers des crises et des luttes sociales, a conduit dans nos sociétés à toujours davantage d’intégration et de solidarité. La protection sociale et l’existence d’un secteur public ont progressivement exprimé et réalisé cette tendance sur le plan de l’organisation sociale, tandis que les sciences sociales contribuent à en renforcer les effets dans la conscience collective en même temps qu’elles en mesurent les limites et aident à les surmonter. Cette transformation est loin d’être achevée. Elle se heurte, avec notamment la crise écologique, à des défis considérables qui rendent les sciences sociales plus nécessaires que jamais. Inscrire les réformes en cours dans l’histoire longue de nos sociétés les révèle ainsi dans ce qu’elles sont : des régressions. Dans l’immédiat, il est indispensable que nous y opposions notre refus. Mais au-delà de cette mobilisation nécessaire, nous affirmons notre détermination à continuer notre métier, celui des sciences sociales, dans le cadre du service public d’enseignement supérieur et de recherche. Nous refusons de voir notre fonction sociale réduite aux exigences d’une ingénierie gestionnaire destinée à asservir la vie sociale aux logiques de marché plutôt que d’y favoriser l’épanouissement du bien commun.

Pour ces raisons,

1) Nous appelons chacun·e à soutenir les mobilisations contre la réforme des retraites et contre la transformation de la fonction publique et de l’enseignement supérieur et de la recherche, à participer aux assemblées générales et aux journées d’action interprofessionnelle et à faire preuve de solidarité, notamment en contribuant aux caisses de grève, avec les secteurs professionnels qui portent actuellement l’essentiel de l’effort de mobilisation.

2) Nous demandons aux institutions d’enseignement supérieur dans lesquelles nous exerçons de mettre en place des règles claires qui permettent aux étudiant·e·s de s’engager, sans être pénalisé·e·s, dans le mouvement qui a pour enjeu leur avenir. (Ces règles doivent, à notre sens, prendre la forme d’un réaménagement des modalités et des temps d’enseignement et d’apprentissage plutôt que de procédures de validation automatique des compétences et savoirs acquis.

3) Nous réclamons que le gouvernement sursoie au projet de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche et organise une concertation digne de ce nom, afin de définir collectivement les conditions d’une véritable refondation de l’enseignement supérieur et de la recherche et d’en déterminer le calendrier et les moyens, dans le respect des qualifications et des vocations de ceux qui y consacrent toute leur énergie et en tenant compte de la diversité des besoins sociaux en matière d’enseignement supérieur et de recherche. Nous mandatons la direction de notre unité à signer l’« Appel à signature des Directions de laboratoire de recherche pour un moratoire sur la LPPR et pour la tenue d’États généraux de la Recherche et de l’Enseignement supérieur » (voir ici).

Motion adoptée par l’Assemblée générale du LIER-FYT le 21 janvier 2020 par 20 votes favorables et 2 abstentions, et par l’Assemblée générale des doctorant·e·s du LIER-FYT (via un vote électronique) le 22 et 23 janvier 2020 par 32 votes favorables (aucune abstention, ni vote défavorable).


 

LIER-FYT
Laboratoire interdisciplinaire
d'études sur les réflexivités - Fonds Yan Thomas
Directeur: Cyril Lemieux
Directrice adjointe : Julia Christ
A629 - 54 Boulevard Raspail 75006 Paris

Tel : 33 (0) 1 49 54 20 61
Prtncipaux contacts : voir ici

 

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lier-fyt_info-request[at]ehess.fr